
Cet article est le fruit d’une collaboration spéciale avec Walter Elisme et Donald Donazald
Évolution de la situation en 2025
Le 31 mars 2025 des groupes armés ont commencé à se déplacer de Port-au-Prince vers Mirebalais (petite ville stratégique à une cinquantaine de kilomètres de Baptiste) dans le but de contrôler une importante voie de communication vers la République Dominicaine.
Impact démographique pour la région de Baptiste
Le premier impact fut l’arrivée de quelques 500 habitants de Mirebalais qui sont venus se réfugier à Baptiste. Vu qu’aucun appui gouvernemental n’est disponible c’est la population locale qui a pris en charge de nourrir et de loger ces réfugiés. Exemple: dans la maison de l’agronome Donald Donazald sont logées plus de vingt personnes depuis trois mois.
Cette pression démographique a des répercussions sur les écoles qui accueillent les enfants des familles déplacées. L’école secondaire Le Bastion du Savoir qui a été créée en 2010 par Walter Elismé et qui compte 700 élèves, a pris en charge une trentaine d’enfants dont les parents sont incapables de payer les frais de scolarité. Les salles de classes étant déjà surchargées il faut réaménager les locaux afin d’accommoder ce plus grand nombre d’élèves à qui il faut aussi fournir un repas chaud par jour. Les parents et les enseignants de l’école absorbent vaillamment cette pression et ces coûts supplémentaires. Ils élaborent un projet d’agrandissement des locaux car il y a suffisamment de terrain pour cela, mais les finances sont insuffisantes: avis aux donateurs. Ça urge.
Impact économique
L’autre impact est un blocus économique, car la route de Mirebalais est la seule voie d’accès à Port au Prince: c’est donc celle que la population de Baptiste a utilisée jusqu’à présent pour importer des intrants de Port-au-Prince et pour y exporter la production agricole (principalement le café et les haricots secs). Cette route traverse maintenant un champ de bataille où s’affrontent quotidiennement la police et les groupes armés: le transport de marchandises et la circulation générale y sont donc totalement bloqués.
Impact pour les productrices et producteurs agricoles de Baptiste
Présentement c’est le temps de la récolte de haricots secs qui sont une des principales denrées alimentaires produites dans la région puis exportée vers Port-au-Prince car la demande locale est insuffisante pour écouler la production. Vu qu’il est impossible d’acheminer ces stocks vers les marchés de Port au Prince, cette surproduction à Baptiste a fait chuter le prix de vente de 40% comparé à la récolte précédente…
Impact sur la prochaine récolte de café
En ce qui concerne le café, la prochaine récolte s’annonce abondante car la floraison a été bonne, les cerises abondantes et qu’il n’y a pas eu de désastre climatique. Mais ce blocus imposé par les groupes armés risque d’avoir des conséquences encore plus désastreuses que pour la culture des haricots secs.
Il est en effet fort probable que les spéculateurs dominicains vont en profiter pour augmenter la contrebande du café de Baptiste afin d’acheter à bas prix le café des membres d’UCOCAB pour approvisionner illégalement la multinationale INDUBAN en République Dominicaine. Les riches vont donc profiter de la vulnérabilité des paysans pour maximiser leurs profits grâce au « libre marché » qui consiste à appauvrir les plus pauvres et enrichir les plus riches.
Pistes de solutions
Plusieurs options sont à l’étude par Kok ki Chante et UCOCAB pour pouvoir continuer à exporter le café de Baptiste dans ce contexte particulier: utiliser le port de Cap-Haïtien plutôt que celui de Port au Prince est une des alternatives envisagées.
- en jaune la partie du parcourt qui est encore relativement sécuritaire
- en rouge la route qui est bloquée par les groupes armés
- en bleu la voie de contournement pour acheminer le café au port de Cap-Haïtien
Impact pour les acheteurs solidaires que nous sommes
Il est donc fort probable que le prix que nous allons avoir à payer pour le café de la prochaine récolte va augmenter en proportion des coûts supplémentaires causés par ce qui va être fait pour sortir ce café du pays. Préparons nous donc à continuer à appuyer le développement socioéconomique d’Haïti en payant un juste prix à nos partenaires d’UCOCAB pour le café qui enchante nos matins et qui leur permet d’envisager un avenir plus serein.