Liaison Pestel-LesCayes
Voyager à l’intérieur d’Haïti peut s’avérer être très ardu. Le manque d’infrastructures routières amplifie l’étanchéité du cloisonnement entre les différentes régions du pays. Dès lors, il devient extrêmement compliquer de visiter certaines zones rurales tant le coût du transport peut être pharaonique. Les régions les plus excentrées et difficiles d’accès en sont les principales victimes.
Pestel, commune du département de la Grand’ Anse d’environ 40,000 habitants, bien que située non loin des villes des Cayes (70 km) et de Jérémie (75 km), les résidents de Pestel sont dans la difficulté pour voyager à volonté vers ces destinations. Trois fois par semaine, un bus assure le trajet Pestel – Cayes – Port-au-Prince. En dehors de ces trois jours, il faut payer environ 1,500 gourdes la course de mototaxi pour se rendre aux Cayes. En cas d’urgence, de maladie ou de décès par exemple, le coût de transport de location peut atteindre des proportions invraisemblables.
Josué Bazile entrepreneur social
Écœuré par cette situation, Josué Bazile, jeune agronome originaire de Pestel, détenteur d’un DESS en développement communautaire à l’Université Bolivarienne de Venezuela, a décidé d’en venir à bout. Ce Pestelois, de cœur et d’âme, a mis en place un service de transport en commun « AgroTrans », permettant de résorber le problème du trajet Pestel-Cayes, en investissant dans une Toyota tout terrain, assurant quotidiennement ce trajet. Cette initiative permet de résoudre un problème aux dimensions multiples dans la commune de Pestel, a indiqué Josué Bazile, tout en précisant que sa démarche s’inscrit dans une logique d’entrepreneuriat social.
Si ce jeune trentenaire, s’est octroyé un satisfecit pour sa contribution à la résolution d’un problème de fond dans sa communauté, cette dernière n’en est pas moins émerveillée par l’arrivée de ce nouveau service. Joseph François Bernard, un riverain du Centre-ville de Pestel, en témoigne en signalant que AgroTrans a solutionné un problème de taille auquel la ville faisait face depuis la nuit des temps. Ce genre d’initiatives, souligne-t-il « devrait se généraliser à l’échelle du pays, pour faciliter le transport des vies et des biens, et dynamiser les échanges économiques ». Me Ary Thomas, Juge de la commune a pour sa part trouvé louable une telle action qui améliore les conditions de voyage des Pestelois en rendant le transport Pestel – Cayes accessible quotidiennement. Aussi, invite-t-il la population de Pestel à valoriser cet acquis et contribuer à le maintenir toujours en état de bien desservir la communauté.
Agro-Trans
Le trajet Pestel-Cayes par le service AgroTran est fixé à 400 gourdes, moins cher que celui des autres moyens de transport alternatif. Les recettes générées par ce service, sont réparties équitablement afin de rentabiliser l’investissement, garantir sa pérennité du service et permettre au chauffeur d’avoir des revenus dignes de son travail. Après déduction du coût du carburant, les recettes sont ainsi partagées : 25% pour le chauffeur, 25% pour la maintenance (coûts très élevés en raison des mauvaises conditions de la route) et 50% pour le propriétaire.
Engagé dans la transformation des conditions d’existence de sa communauté
Josué Bazile, précise qu’il n’a reçu aucun financement pour la mise en place de ce service affirmant ne pas être un « résigné-réclamant » comme le dit l’éminent économiste Jacques Attali ; qu’il est dévoué et engagé dans la transformation des conditions d’existence de sa communauté, sans attendre l’aide de l’État ou des ONG. En effet, cette Toyota Land Cruiser, ne fait pas qu’assurer le trajet Pestel-Cayes, elle sert aussi d’ambulance pour la population en cas de maladie et de décès, sachant que la commune ne dispose pas de service ambulancier.
Face à l’assistanat et l’attitude attentiste qui sévit en Haïti depuis ces dernières années, M. Bazile avec cette expérience, est convaincu que des jeunes comme lui, peuvent transformer les conditions d’existence de leur communauté par la prise d’initiative innovante. Il invite les jeunes du pays, notamment les étudiants universitaires, à investiguer et diagnostiquer les problèmes de leur communauté, trouver des solutions pratiques, sans attendre l’intervention de l’État. Il n’a pas manqué de mettre l’accent sur les retombées tant sociales qu’économiques de son initiative soulignant qu’en un mois, AgroTrans a déjà transporté 1,000 passagers, dans des conditions respectueuses de la dignité humaine. Sans oublié que cette initiative est créatrice d’emploi stable, dynamise également les échanges entre les habitants de Pestel et ceux des villes proches.
Josué Bazile invite les jeunes haïtiens à s’identifier, développer leur sentiment d’appartenance à leur communauté, et agir sur les problèmes structurels et/ou infrastructurels qu’elle confronte, afin d’aider au changement durable de celle-ci, concluant « en résorbant les problèmes de ma communauté, ma condition de vie en résultera nécessairement améliorée et le contraire est aussi vrai ».
Lien vers l’article de HL/ Pierre Negaud Dupenor