Pour ceux qui ne connaissaient pas cet homme discret et bienveillant, je le considère comme un des militants du café d’Haïti les plus engagés qu’il m’a été donné de rencontrer. Il était un véritable agronome, un amoureux de l’agriculture et de la paysannerie de son pays, mais aussi un visionnaire, un mobilisateur et un fin stratège. Il est vite devenu pour moi le précieux mentor qui m’a initié et accompagné au fil des années dans ma découverte du monde du café d’Haïti.
Après avoir complété ses études universitaires en France il est vite revenu au pays natal pour se consacrer à l’immense tâche consistant à relancer une filière agricole que 4 siècles de pillage impérialiste avaient épuisée, jetée à terre et continuait d’étrangler.
David voyait le potentiel énorme d’une relance de cette filière qui avait produit pendant plusieurs siècles une richesse économique immense, malheureusement volée et siphonnée via le système extractiviste mis en place par les européens.
David croyait que cette filière pouvait être relancée malgré les conditions difficiles de l’époque et qu’elle pouvait générer pour son pays des bénéfices autant économiques et sociaux qu’environnementaux. Il savait que les paysan.ne.s libéré.e.s de l’esclavage avaient mis au point au fil des siècles une façon créative de survivre dans cet écosystème qui, autour de la culture centrale du café, leur fournissait en abondance les fruits, légumes, céréales et légumineuses d’excellentes qualités dont ils nourrissaient leurs familles et qu’ils vendaient sur le marché local.
Bien avant que les occidentaux commencent à parler d’écologie, ces paysan.ne.s avaient la sagesse de comprendre que s’ils ne protégeaient pas les arbres qui maintenaient leur sol dans les hauteurs de leurs montagnes humides, l’érosion et la désertification prendrait rapidement le dessus. Ils protégeaient donc les grands arbres qui eux fournissaient pénombre, humidité et protection pour leurs cultures savamment réparties alentour. La nature leur redonnait au centuple en fonction de leurs efforts.
Mais ces savoirs et cette sagesse était perçues comme ignorance par les gens « intelligents » qui les toisaient du haut de leur mépris. David Nicolas n’était pas un de ces agronomes de salon et de bureau. Il a passé sa vie avec les paysans de son pays, à les écouter, à leur parler et à marcher avec eux. Il a observé que ceux d’entre eux qui s’organisaient collectivement arrivaient à sortir de l’isolement qui les maintenaient dépendants des commerçants et industriel locaux qui, trop souvent, les exploitaient outrageusement.
Il a donc entrepris l’immense travail de fédérer les organisations paysannes caféières au niveau national à travers ce qui est devenu la PNPCH, Plateforme Nationale des Producteurs de Café d’Haïti. Il a sillonné le pays pendant une décennie pour accompagner le développement de structures régionales qui en se fédérant sont devenues la fondation de leur organisation nationale: la PNPCH, qui a officiellement vu le jour en octobre 2008.
David Nicolas s’est donné corps et âme à cette mission impossible: le fait que la production caféière ait pu reprendre en Haïti et que nous puissions aujourd’hui continuer à en importer du café me semble avoir été rendu possible en très grande partie par les multiples sacrifices que David Nicolas a fait tout au long de sa vie pour la paysannerie de son pays.
Merci David, tu restes dans mon cœur et mon esprit comme le modèle d’un grand homme, un grand arbre, un Mapou immense.
Que la terre te soit légère.
Les petits arbres que nous sommes vont continuer le noble travail que tu as entrepris.